Les présentations qui vous sont faites du patrimoine de Morizès sont extraites du programme de la Nuit du Patrimoine, organisé à Morizès le 21 septembre 2002, en partenariat entre la Commune et l'association Renaissance des cités d'Europe.
Descriptions établies par Hélène Maffre, service régional de l'inventaire, Drac Aquitaine.
La maison de maître se présente généralement comme une construction en hauteur, au toit à quatre versants. Symétrie des formes, opulence, recherche décorative, tels sont les traits majeurs de la maison rurale bourgeoise bordelaise. Tout concourt à marquer le rang social du maître : le portail d'entrée, la courette, les mrs en pierre de taille, parfois un fronton, des pilastres sur la façade, l'encadrement des portes et fenêtres, la symétrie des baies par rapport à l'axe central, le nombre de chambres et de cheminées, l'ordonnance des pièces, la présence aux deux extrémités du faîtage d'épis en terre cuite, les référence était en réalité la meilleure forme de légitimation sociale des ambitions de la bourgeoisie rurale, l'exemple parfait de l'utilisation de l'architecture comme moyen de distinction sociale.
Maison Renaissance et maison bourgeoise
La maison IZOTTE
Cette maison à un étage carré présente cinq travées en façade ; la porte d'entrée est placée au centre. Un double bandeau et une corniche ornés de disques marquent les niveaux alors que, à chaque extrémité de la façade, des tables moulurées elles aussi ornées de disques complètent cet encadrement ; la maison surélevée par un terrassement ; le toit à croupe est couronné d'une crête décorative entre deux épis de faîtage.
La maison DAVID / MAYLE
Cette maison bourgeoise semble du même type mais, sans aucun décor si ce n'est la corniche qui couronne l'élévation, elle présente un aspect plus rural. Le soubassement est constitué d'un étage de communs.
Ces deux demeures présentent deux versions de la même formule, l'une moins économe étant agrémenté d'un discret décor inspiré de la Renaissance témoignage d'une résistance nouvelle face au traditionnel décor antiquisant.
maison à fronton
La maison THIBAUD et la maison BOURBON
Ces deux maisons semblent dater du milieu du XIXe siècle. Elles présentent une façade antérieure dont la travée centrale est mise en valeur par un léger ressaut et un fronton. De maigres pilastres toscans au rez-de-chaussée et ioniques à l'étage limitent cette travée ; un fronton à modillons la couronne. L'un des deux est interrompu pour laisser place à un amortissement en boule.
Si les baies de l'étage carré de ces demeures sont encadrées de moulures et couronnées d'une corniche, celles du rez-de chaussée sont particulièrement simples puisque aucun décor ne les accompagne. Le rez-de-chaussée forme ainsi un podium pour l'étage d'autant qu'il est surélevé dans la maison Thibault. Un balcon sur trompe est placé devant la baies à l'étage de la travée centrale, il rappelle les balcons bordelais construits au XVIIIe siècle malgré une certaine raideur géométrique que l'on retrouve aussi dans la ferronnerie.
On remarque donc sur ce type de construction le mélange d'un style légèrement baroque du XVIIIe siècle et la rigueur de construction républicaine.
MAISON NEOCLASSIQUE
La maison BEYLARD
Un quatrième type de maison semble plus ancien encore par son décor antiquisant, c'est celui des maisons à trois travées en façade dont les ouvertures centrales sont couvertes d'un arc en plein cintre. L'une des maisons possède un étage de combles en surcroît éclairé par des fenêtres en demi-cercle elles aussi ; une simple génoise de tuiles couronne les murs. La porte seule, avec imposte mouluré et clef saillante, est inscrite dans une travée toscane : des pilastres portant une corniche encadrent alors l'ouverture en demi-cercle. Sans doute construite en moellons cette maison est raidie par des chaines d'angles harpées à bossages qui confirment son caractère néoclassique.
On remarque qu'à travers des constructions de plans simples mais faisant référence à l'Antiquité, à la Renaissance comme au XVIIIe siècle la bourgeoisie locale a su trouver les modèles qui correspondent à ses nouvelles activités dans la commune.
Nathalie Bienvenu, historienne de l'art
Comme dans tous les villages, pendant la deuxième Guerre Mondiale, le gouvernement du Maréchal Pétain avait décrété l'installation de terrain de sports. A Morizès, ce terrain était situé entre le mur longeant la route de la Vignague et les terrains de tennis comme en témoignait encore, il y a quelques années, un pan de mur qui servait pour entraînement à l'escalade et non comme beaucoup ont souvent cru, de saut d'obstacles pour les courses hippiques organisés dans le part communal dans les années 50.
Après cette douloureuse période une des priorités dans la reconstruction a été l'équipement culturel et sportif. C'est ainsi que le village de Morizès, sous la houlette de son maire de l'époque, Jean Sourbet, a été l'un des tous premiers du département à construre un Foyer Rural qui devait réunir sous un même toît, salle de spectacle faisant office de salle de sport, douches, salle de bibliothèque...
Les architectes chargés de ce projet furent Emile Mothe, architete bordelais (décédé en 1961) et Pierre Gabriel Geneste, architecte du Tourne.
Ils présentèrent en mars 1949 un avant-projet qui fut revu en mai de la même année mais qui proposait à peu de choses près le même batîment que celui qui fut construit.
D'un plan très simple, il se présente comme une construction rectangulaire longue de 30m, profonde de 12.50m et haute de 7m.
Au centre de la façade, un étroit avant-corps abrite le vestibule d'entrée et de part et d'autres deux petites pièces servant à l'origine de guichet d'entrée et de vestiaire.
En saillie de cet avant-corps, le porche est abrité sous une demi retonde portée par quatre colonnes de base carrée.
Il ne s'agit pas là d'un bâtiment composé d'un corps principal et d'ailes latérales, mias bien d'un bâtiment de plan rectangulaire devant lequel on a plaqué, pour lui donner plus de caractère, un avant corps étroit mais plus haut et une demi rotonde.
Nous sommes à la fin des années 40, l'Art Déco a ouvert une voie dans l'épuration de lignes architecturales et la simplification du décor, les théories esthétiques et constructives avancées dans les années 30 et théorisées par le "Mouvement moderne" sont mises en application : géométrisation des volumes et emploi du béton armé qui libère de certaines contraintes techniques. Dans la région Claude Ferret (1907-1994), architecte bordelais, reconstruit à l'embouchure de la Gironde, une "nouvelle Brasilia" : Royan.
C'est dans ces bouillonnements architecturant qu'Emile Mothe et Pierre-Gabriel Geneste puisent leur inspiration : plan simple et rationnel, symétrie de la construction, jeu de lignes cobres, toit plat, baies larges et horizontales, absence de décor et couleur blanche, typographie moderne de l'inscription "foyer rural" sur le bandeau supérieur de la rotonde.
On retrouve ici trois matériaux-rois de l'architecture de l'époque, le verre, l'acier et le béton : verre bosselé à reflet opalin, métal utilisé en armement du béton et pour les fines menuiseriez encadrant baies et huisseries, béton armé permettant la construction du toit terrasse libéré des contraintes de poteaux porteurs.
Mais le constructeur de bâtiment public n'est pas encore prêt à aller plus loin dans la simplification des lignes et le commanditaire non plus sûrement.
L'entrée reste mise en valeur de façon classique. C'est ce que prouve le choix du dessin de ce deuxième projet par rapport à l'avant projet. Ce dernier avait prévu un corps principal identique, la même rotonde et le léger avant-corps, à un détail près, corps principal et avant-corps devaient être de même hauteur. L'allure générale du bâtiment était plus ramassée, l'entrée beaucoup moins imposante.
Jusqu'à la fin du 19ème siècle le décor des bâtiments publics fait référence à l'Antiquité : fronton, colonnade, allure de temple grec... Ce modeste foyer rural reprend ces références. Rotonde et colonnes, une entrée traitée à l'Antique de manière toutefois très stylisé mais symbolique. Cette connotation n'est ni plus ni moins que la façon de permettre à un tel bâtiment d'être reconnu comme un bâtiment public et de s'inscrire dans la lignée de ceux qui l'ont précédé.
Ce foyer rural n'a aucune prétention mais il est le reflet timide de la modernité de son époque. Il mérite notre fierté et nos soins. C'est un des plus anciens du département et c'est aussi un de ceux qui aura été le plus respecté. Comme le constatait, à l'occasion des travaux de rénovation, l'architecte du CAUE, aucune porte, aucune fenêtre, en aluminium ou PVC n'est venu l'enlaidir en remplaçant sa fine et simple serrurerie d'origine, aucun carrelage moderne n'a recouvert son solide et sympathtique kitsh revêtement en mosaïque de carreaux cassés...
Ce bâtiment fût inauguré le 4 novembre 1951 par Monsieur M. Antier, ministre de l'agriculture.
Afin de le financer, la municipalité autour du maire, Jean Sourbet, avait décidé de contracter un emprunt aux taux de 5% amortissable en 15 ans auprès des habitants du village. 37 personnes avaient accepté de participer à cet emprunt pour des prêts allant de 10 000 à 40 000 francs, le prêt le plus important ayant été consenti par Monsieur Gino Orlandi (100 000 francs).
Pierre Coudroy de Lille, historien, vice-président de la Société Archéologique de la Gironde.
l'église actuelle de Morizès fut bâtie par l'architecte bordelais Emile Hosteing de 1888 à 1892 en remplacement d'une église ancienne assez simple, de plan rectangulaire, dont on n'a conservé qu'un dessin de Léo Drouyn.
Hosteing faisait partie, comme Abadie, Bonnore, Mondet, des architectes préférés du Cardinal Donnet, grand bâtisseur d'églises. Ils ont privilégié le style néo-gothique, très en faveur à l'époque. Hosteing construisit notamment les églises de Béguey, Sainte-Croix du Mont, qui présentent des clochers-flèches élancés.
Le cardinal Donnet, archevêque de Bordeaux pendant 46 ans, ce qui représente la plus longue durée de tous les pasteurs d'Aquitaine, fut une forte personnalité à plus d'un titre, par son zèle apostolique, par son souci de former de bons prêtres en instituant un Grand Séminaire somptueux, par son élocution renommée comme par sa passion constructrice. Bordeaux et la campagne girondine se couvrirent d'églises neuves. On en dénombre une centaine dans les villes et villages du département. A Bordeaux, l'église Saint Louis des Chartrons, l'église Saint Ferdinand et celle du Sacré Coeur furent les réalisations les plus spectaculaires.
Il avait une prédilection pour les clochers-flèches, se dressant très haut dans le ciel et avait coutume de dire :"les clochers des églises sont comme des doigts pointés vers le ciel pour en montrer le chemin...". Dans un souci de symétrie, on trouve parfois deux flèches de façade, comme à Branne ou Langon.
Il est vrai que reconstruire était une nécessité. A la suite du Concordat de 1802 les églises avaient été réouvertes, il fallut hâtivement les consolider, les réparer, les couvrir, mais assez vite on s'aperçut que ces travaux étaient insuffisants, qu'il fallait agrandir, reconstruire ; cela d'autant plus que sous les régimes de la Restauration, de la Monarchie de Juillet et du second Empire, la chrétieneté française se reconstituait.
De précieux témoignages de l'art roman et gothique, souvent modestes, disparurent avec cette volonté de repartir à neuf, et bien souvent Léo Drouyn tempêta pour qu'on se contente de réparer et d'agrandir les vieilles églises avec leurs clochers simples composés d'un mur pignon percé d'ouvertures pour les cloches. Mais on a démoli à pleine pioche. Et il est vrai que ces églises du Cardinal Donnet manifestent maintenant des signes de faiblesses, que les hautes flèches sont fragilisées, et tout cela entraîne des frais énormes pour les municipalités et pour les services des Bâtiments de France.